Impure Situation(s)
Parfois je le vois puis je le peins, à d’autres moments, je le peins puis je le vois. Les deux situations sont impures, et je ne préfère ni l’un ni l’autre.
Jasper Johns
Merci, Jasper Johns, de nous avoir donné accès à une compréhension aussi directe de la démarche du peintre.
Je n’aurais jamais eu l’idée de le dire ainsi, mais cette pensée est, pour moi, l‘une des plus claires rencontrée jusqu’ici. Que l’on adhère, complètement ou non, aux deux situations, on peut comprendre et accepter que l’impureté fasse partie de la boucle réflexive de la peinture : voir-peindre-voir. En allant plus loin, on pourrait même conclure qu’il n’y a vraiment qu’une seule situation impure, celle de l’amalgame de la perception et de la peinture.
En donnant à mon exposition le titre Impure Situation(s), je mets en avant ce que je comprends être la référence de Johns à la « chimie » de la peinture – la nature fondamentalement hybride de cette dernière dans sa synthèse entre action et perception – et comment cette complexité peut influencer le peintre dans sa façon de voir et de peindre à travers une variété de modes opératoires qui ne sont pas toujours exclusifs. Aujourd’hui, ces modes pourraient se révéler conceptuels, narratifs, critiques, abstraits ou hybrides. Ainsi, la peinture, à la fois processus et objet, peut être impur à deux niveaux.
Par ailleurs, si la distance de Johns vis-à-vis des deux situations – « je ne préfère ni l’une ni l’autre » – peut être prise pour une forme d’ambivalence insouciante, j’y vois pour ma part une affirmation de la liberté de l’artiste à ne pas choisir – à ne pas être exclusif, mais plutôt à embrasser la peinture avec ce qu’elle a de naturellement impure.
Dans mon travail, l’impureté se révèle de plusieurs façons, à la fois tangibles et sous-jacentes et presque toujours liées au plus impur des genres, le collage. Quand je peins à partir de mes collages numériques – études issues de photo-fragments de mes œuvres précédentes – le résultat ressemble à une gamme de généalogies ou à des couches géologiques. L’impureté peut s’accumuler aussi bien dans les peintures et les collages réels que dans ma boîte de Pétri numérique. Si elle est « contagieuse », elle « touchera » le spectateur.
En tant qu’artiste non conceptuel qui se situe au seuil de la connaissance – dans cet espace non verbal entre la perception et la parole – je considère mes peintures comme des analogies de ma pensée visuelle. Mais, bien sûr, il s’agit d’aller au-delà d’une simple présentation du creuset chaotique de la perception. Comme sa consœur la musique, la peinture a la capacité de projeter, sans l’aide des mots, une grande clarté – une clarté distincte de la certitude. J’espère repérer ce qui peut être intelligible dans l’espace non verbal de la peinture, afin de saisir la psychologie de cet espace où des forces opposées s’affrontent pour trouver place. Mon processus est un équilibre dynamique dans lequel le hasard et l’artifice jouent à égalité, et sa nature repose sur un renouvellement constant qui recycle l’énergie et l’identité d’un contexte à un autre.
Susan Cantrick, février 2018
Impure Situation(s)
“Sometimes I see it and then paint it. Other times I paint it and then see it. Both are impure situations, and I prefer neither.”
Jasper Johns
Thank you, Jasper Johns, for providing such a straightforward path into the painter’s process.
Though I myself would never have put it that way, Johns’ statement is one of the most articulate that I’ve encountered so far. Whether or not one adheres exactly or always to both situations, one grasps and accepts that impurity is built into painting’s reflexive loop: seeing-painting-seeing. Taking the idea a (parenthetic) step further, one might conclude that there is only one impure situation: the amalgam of perception and painting.
In assigning my show the title of “Impure Situation(s)” I am foregrounding what I understand to be Johns’ reference to the “chemistry” of painting -- its fundamentally hybrid nature as the synthesis of action and perception -- and how it can influence the painter to see and paint in a variety of modes that are not necessarily mutually exclusive. Today, those modes could be conceptual, narrative, critical, abstract, or some hybrid. And painting(s), as both process and object, can be impure on both levels.
One is also grateful for Johns’ equanimity toward ordering: “I prefer neither.” Though this could be dismissed as nonchalant ambivalence, I read it as an assertion of the artist’s freedom not to choose – not to be exclusive -- but rather to embrace painting’s innately impure condition.
In my own work, the impurity shows up in a number of ways that are both visible and embedded and are almost always involved with that most impure of genres, the collage. When I paint from digital collages -- studies that are generated from photo-fragments of my own previous work -- the results resemble a gamut of genealogies or the earth’s geological layering. The impurities can accumulate in the digital Petri dish as well as in the physical painting or collage. If they are “contagious,” they will “contaminate” the viewer.
Since as a non-conceptual artist I situate myself at the threshold of cognition, -- the sub-linguistic space between sensing and saying -- I consider my paintings to be analogs of my visual thinking. But, of course, there’s more to it than merely presenting simulations of the chaotic perceptual melting pot. Like its mute cousin music, painting has the capacity to project great clarity without words – a clarity distinct from certitude. I hope to locate the intelligibility that is possible within painting's non-verbal space, to articulate a psychology of that space, where opposing forces vie for placement. The process is a dynamic equilibrium in which chance and artifice are equal players in constant flux, and its essence is renewal via the recycling of energy and identity from one context to another.
Susan Cantrick, February 2018